Piano: dimanche, Marc Pantillon donnera
un récital "naturaliste" pour montrer
son soutien à la création de Sorbus, association de sauvegarde des oiseaux des forêts jurassiennes. Rencontre

Photo Galley

Marc Pantillon, passionné d'oiseaux, lutte à sa manière pour que survive le grand tétras, dont il ne reste que 20 individus dans le canton.

       "Je ne suis pas un grand ornithologue. Mais si un oiseau s'envole devant moi sur le chemin et que je n'ai pas réussi à l'identifier, c'est une catastrophe!", sourit Marc Pantillon. La nature occupe une place de choix dans la vie du pianiste virtuose. Dimanche, il le démontrera en offrant un récital à la jeune association neuchâteloise Sorbus, dont le but est la sauvegarde des oiseaux forestiers tels que le grand tétras (voir encadré ci-dessous).
       "C'est la première fois que je mets mon art au service des oiseaux. Cela m'a du reste valu plusieurs plaisanteries de la part de mes collègues musiciens... Le tétras n'est pas connu pour avoir un chant très esthétique: cela ressemble au bruit d'une pierre à aiguiser sur la lame d'une fauxdécrit-il, en imitant le son en tirant sa joue avec un doigt. Néanmoins, le programme du récital aura toutes les qualités d'un grand moment de musique, qui plus est, original. S'il ne jouera pas "Les oiseaux" de Messiaen, – "Je ne les ai p le pianiste présentera trois oeuvres romantiques dont le thème est lié à la nature.

Un concert naturaliste

       En ouverture, il interprètera la Sonate en ré mineur de Ludwig van Beethoven, dite "La Tempête" "ce deuxième mouvement, très calme, me donne un sentiment d'espace qui dépasse le drame personnel shakespearien pour atteindre une dimension cosmique." Il jouera ensuite "Waldszenen" (Scènes de forêt) de Robert Schumann, évocations poétiques des beautés et des mystères des bois. "Le monde sauvage est pour moi source constante d'émerveillement,ommente-t-il. Un même émerveillement que pour la musique."
       Enfin, le pianiste clôra son concert avec la "Wanderer-Fantasie" (Fantaisie du promeneur-voyageur) de Franz Schubert, oeuvre à l'adagio mélancolique, mais dont les autres mouvements redoublent de vitalité. "Pour moi, une vraie promenade se déroule dans le silence. C'est seulement lorsque je peux écouter le chant des oiseaux que la nature me fait sortir de moi-même. A la manière de Rousseau dans ses "Contemplations". J'ai redécouvert cet auteur ces dernières années. Son rapport à la nature est extrêmement moderne et précurseur de l'écologie." C'est pour être plus près du monde sauvage et des oiseaux que le virtuose s'est établi à M™tiers, il y a 20 ans, avec son épouse et sa petite famille.

Jamais l'avion

       Pour Marc Pantillon, la nature n'est pas seulement source de contemplation, elle engendre aussi des choix de vie. Ecologiste convaincu, il voyage en train, passe toutes ses vacances à vélo et refuse de prendre l'avion, se façonnant, en parallèle de l'enseignement, une carrière de soliste à sa mesure: suisse avant tout, et quelquefois européenne. Cela implique des concessions, renouveler souvent son répertoire, varier les formations musicales, "mais je ne renonce jamais à des projets mirifiques!", souligne-t-il.
       Avec une quinzaine d'enregistrement à son actif (actuellement chez Claves), le pianiste voyage beaucoup par disque interposé. quot;Je suis très sédentaire par rapport au musicien actuel, qui est toujours en route. Mais je trouve absurde de faire 20.000 kilomètres pour un concert." Les oiseaux le font pourtant... "Oui, mais c'est par leurs propres moyens. Et ensuite, ils restent six mois sur , répond-il enjoué.

Retour du printemps

       Il suffit de parler oiseaux pour que les yeux de l'homme s'allument, qu'il arbore un sourire solaire et ne tarisse plus d'anecdotes. Il suit l'arrivée du printemps en notant chaque jour les nouveaux chants entendus, signalant actuellement le retour des migrateurs. Les premiers à chanter? "es merles, bien sûr." Les derniers arrivés? quot;Les fauvettes à tête noire, entendues à Champittet lundi." Et puis il y a cet étourneau à qui il a tenté d'apprendre la 40e de Mozart. Et la grive musicienne qui exploite les matériaux sonores des autres oiseaux. Et les campagnes de recensement en compagnie d'ornithologues avertis... "Du reste, c'est en surveillant les oiseaux nicheurs du canton avec Blaise Mulhauser, président fondateur de Sorbus, qu'est née l'idée du concert de dimanche."

Yvonne Tissot

Neuchâtel, temple du Bas, di 18 avril, 17h.

 

Pour une forêt vivante
      L'ensemble du bénéfice du concert de dimanche sera versé au profit d'un fonds de protection du grand tétras et d'autres oiseaux forestiers menacés", explique Blaise Mulhauser, président de l'Association Sorbus. Créée en janvier, celle-ci s'est donné pour but de proposer des solutions concrètes aux forestiers et propriétaires de forêt pour ménager les espaces vitaux des oiseaux qui les habitent.        Alors que d'autres oiseaux ont choisi de rejoindre les régions plus tempérées pour l'hiver, gelinottes et grands tétras (aussi appelés coqs de bruyère) s'adaptent de manière sédentaire au climat extrême du Jura et des Préalpes. Nichant au sol et se nourrissant des richesses arboricoles des clairières (le sorbier notamment, d'où le nom de Sorbus), ces oiseaux sont fragilisés par la culture intensive des forêts – qui supprime les zones de clairière et appauvrit les sous-bois – ainsi que par le passage des promeneurs en raquettes ou à ski. quot;Si l'on ne fait pas quelque chose, le grand tétras aura disparu de notre région d'ici une quinzaine d'années", souligne Blaise Mulhauser. (Voir sur le sujet le dernier numéro du magazine "La Salamandre".) Les solutions? "Un plan de gestion des forêts recréant des espaces ouverts. Et puis, ménager des espaces protégés où le grand tétras puisse se reproduire sans être dérangé. Il suffit parfois de peu..."
      
A terme, l'association entend étendre son action sur l'ensemble du massif du Jura. quot;Nous sommes aussi intéressés à soutenir des réalisations touristiques exemplaires du point de vue de la protection de la nature", souligne l'ornithologue qui sera à disposition du public dimanche dès 16h au temple du Bas. / yvt

 
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